“Refais chaque jour le serment d'être heureux.”Il y a de nombreuses années, j’étais abonné à la publication quotidienne de Paul-Henry Fortin qui nous adressait du Québec la “pensée du jour”. Le 14 février 1999 il acheva cette liste de diffusion qui dura 4 ans par la reprise d’un extrait déjà diffusé de “Propos sur le Bonheur” d’Alain, en forme de cadeau d’au revoir.
Merci, Paul-Henri !
Il nous reste cependant le
Petit musée de la pensée du jour (l’adresse d’origine étant devenue inaccessible, le musée de Paul-Henri peut être visité ici).
Devoir d'être heureux
Il n'est pas difficile d'être malheureux ou mécontent ; il suffit de s'asseoir, comme fait un prince qui attend qu'on l'amuse [...]
Il est toujours difficile d'être heureux ; c'est un combat contre beaucoup d'événements et contre beaucoup d'hommes ; il se peut que l'on y soit vaincu ; il y a sans doute des événements insurmontables et des malheurs plus forts que l'apprenti stoïcien ; mais c'est le devoir le plus clair peut-être de ne point se dire vaincu avant d'avoir lutté de toutes ses forces. Et surtout, ce qui me paraît évident, c'est qu'il est impossible que l'on soit heureux si l'on ne veut pas l'être ; il faut donc vouloir son bonheur et le faire.
Ce que l'on n'a point assez dit, c'est que c'est un devoir aussi envers les autres que d'être heureux. On dit bien qu'il n'y a d'aimé que celui qui est heureux ; mais on oublie que cette récompense est juste et méritée ; car le malheur, l'ennui et le désespoir sont dans l'air que nous respirons tous ; aussi nous devons reconnaissance et couronne d'athlète à ceux qui digèrent les miasmes, et purifient en quelque sorte la commune vie par leur énergique exemple. Aussi n'y a-t-il rien de plus profond dans l'amour que le serment d'être heureux. Quoi de plus difficile à surmonter que l'ennui, la tristesse ou le malheur de ceux que l'on aime ? Tout homme et toute femme devraient penser continuellement à ceci que le bonheur, j'entends celui que l'on conquiert pour soi, est l'offrande la plus belle et la plus généreuse.
[...]
Il faut jurer.
Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté. Tout homme qui se laisse aller est triste...
[...]
On voit bien par là que l'optimisme veut un serment. Quelque étrange que cela paraisse d'abord, il faut jurer d'être heureux.
Alain, le 16 mars et le 23 septembre 1923.
(Emile-Auguste Chartier, dit Alain, 1868-1951, philosophe et essayiste français.)